Qu’est-ce que la culture française pour moi?
av Anna Soltorp

Aujourd’hui, j’ai presque 55 ans et la question me fait un peu sourire car mes réponses sont multiples et elles ont changé avec le temps. A 12 ans, très romantique, c’était par le skieur Jean-Paul Pierrat, qui avait gagné le Wasaloppet, que mon imagination au sujet de la France et sa culture a été réveillée pour la première fois. A 15 ans, j’aimais Piaf. J’écoutais toutes ses chansons en fumant en cachette. Je m’habillais en petite robe noire et regrettais de ne pas être ”petite”. La France n’était que Paris pour moi, mais un Paris qui n’existait déjà plus. Je me voyais à Montmartre, avec les artistes d’antan, et je voulais apprendre la langue d’abord pour comprendre les paroles des chansons, mais ensuite afin de parler de littérature, art et philosophie avec des gens sophistiqués. C’est vers la cimetière du Père Lachaise que je dirigeais mes pas lors de mon premier voyage à Paris pour voir le tombeau de Modigliani. J’avais 16 ans. Je n’avais alors pas compris grand chose à la vie mais Paris sentait bon. Ça sentait un peu le désordre et la liberté. A 18 ans, comme fille au-pair en Provence, je conclus que la désobéissance est une chose bien française; boire ou conduire,  pourquoi choisir? Je croyais que les français étaient plus libres que les suédois puisqu’ils me semblaient moins à la recherche du consensus,  plus dans l’esprit de faire ce qu’ils voulaient. Révolutionnaires par leur histoire! 

A 25 ans, en entrant dans une famille française, j’ai découvert la grand différence entre les cultures regionales françaises. Les membres de ma belle-famille d’origine bretonne ne s’entendaient absolument pas avec les beaux-frères marseillais qu’ils appelaient en cachette ”les maghrébins”. Les amis d’Alsace se moquaient des cousins de Lille, tout récemment sortis des mines de charbon et sans culture, selon eux. Pas facile à comprendre non plus pour une jeune suédoise que l’on puisse se disputer sur la question de savoir si le cidre breton est meilleur que le cidre normand. Cela dit, j’adorais la variété de la culture gastronomique, et aussi le patchwork culturel en général. J’étais sans cesse à la recherche de petits villages avec des restaurants bon marché où les gens ”du coin” allaient se restaurer et je visitais les caves à vin où les propriétaires racontaient l’histoire du lieu et du vin. Ça alors, quelle richesse! Quand j’avais 30 ans et vivais à Paris, ma belle-soeur qui travaillait dans la haute couture me fit découvrir ce qu’était la capitale de la mode. Nous allions aux défilés et admirions les créations des plus grandes maisons de mode. J’allais souvent au cinéma et au ciné-club, j’y ai découvert le trésor du cinéma français. A la même époque, j’ai découvert les Antilles avec sa culture créole. Dans ma tête de scandinave, je ne comprenais pas les tensions et les différents conflits liés à cette partie de la France, et je ne me posais pas la question de savoir si la culture créole était bien ”française”. Avec la naissance de mon fils, j’ai découvert ce qu’était la puériculture française, tellement differente de la façon dont je voyais les choses en tant que scandinave. Ce fut le plus grand choc culturel que j’ai vécu, qui secouait sérieusement ma relation avec la culture française. En tant que mère, je ne supportais plus le coté individualiste et conflictuel que je voyais dans la société française. Je découvris alors que la liberté de l’un peut ôter la liberté de l’autre, et que les enfants se trouvaient selon moi la être la dernière des priorités de la société. A l’âge de 38 ans, j’ai donc quitté mon pays d’adoption pour des raisons culturelles. 

J’aime toujours ce pays qu’est la France - indomptée et pleine de charme, pour sa richesse et sa variété. La France et sa culture ne se laissent pas facilement saisir ou définir. C’est peut-être cela, l’essence de ce qu’est la culture française pour moi. Une expression de sa  nature en cache une autre.